chefdentreprise.com | La place des femmes dans la gouvernance des PME ?!

Les PME tardent à mettre en oeuvre la parité au sein de leur équipe dirigeante. Par sexisme ? Pas toujours, mais les stéréotypes ont la peau dure. Pourtant, donner toute leur place aux femmes améliore les performances des entreprises.

Directrice financière, directrice marketing, directrice des ressources humaines, directrice juridique… C’est une évidence : les fonctions exécutives au sein des entreprises se déclinent fort bien au féminin. Mais impossible de connaître la proportion de femmes dans les comex ou les codir des PME françaises car aucune étude n’a jamais été menée sur la question. Ce qui est déjà, en soi, le signe que cette dernière demeure un véritable impensé. La loi Copé-Zimmermann de 2011, qui impose d’atteindre le seuil de 40 % de femmes d’ici à 2017 dans les conseils d’administration des entreprises de plus de 500 salariés, ne les concerne pas. Pas plus que la loi sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, adoptée en 2014, qui étend cette mesure aux entreprises de plus de 250 salariés à l’horizon 2020. En l’état, la seule obligation qui s’impose aux PME de plus de 50 salariés (ou ayant un délégué syndical) est de réaliser un diagnostic sur les écarts de situation et de conclure un accord. À défaut, elles s’exposent à des pénalités pouvant atteindre 1 % de la masse salariale et se trouver exclues des marchés publics. Mais ces contraintes sont encore méconnues. Et dans les faits, les sanctions sont extrêmement rares.

Plancher collant

“Il existe, pour les PME, des obligations en matière de recrutement ou de rémunération mais aucune ne concerne la désignation aux fonctions de directionsouligne Geneviève Bel, vice-présidente de la CGPME et présidente de la délégation aux droits des femmes du conseil économique, social et environnemental.À ce niveau, le plafond de verre est une réalité. Mais je préfère utiliser l’expression plus parlante de “plancher collant”…”

Une inégalité qui s’expliquerait d’abord par “le sexisme ordinaire, latent dans l’environ­nement socioculturel”. Lequel se nourrit de clichés bien connus : moins investies dans leur carrière, les femmes auraient plus de mal à concilier vies professionnelle et familiale, sans parler des congés maternité et d’une certaine propension à revoir leurs ambitions. Dans les PME plus qu’ailleurs.

“Sans faire de généralité, je ne crois pas que les PME aient la volonté chevillée au corps de féminiser leur gouvernance, avance Brigitte Grésy, membre du conseil supérieur de l’égalité professionnelle. Les grands groupes ont souvent une politique de “gender balance”, ne serait-ce que pour soigner leur image. Mais même s’il est parfois symbolique, c’est un discours qu’on ne rencontre pas du tout dans les plus petites structures. La femme y est encore trop vue comme un “agent à risque”, car elle peut partir en congé maternité. Ce qui est plus problématique que dans les grands groupes, qui peuvent mutualiser les tâches et se réorganiser rapidement.”

Par Joël Rumello

© Michel Szlazak

© Michel Szlazak

Comment faire évoluer les mentalités ? Pas forcément par de nouvelles réglementations, difficiles voire impossibles à appliquer. “Une PME, ce n’est pas une grande entreprise en modèle réduit et on ne peut pas lui imposer les mêmes contraintes sans risque de la mettre à mal, prévient Geneviève Bel.Comme nous l’avons régulièrement souligné, il faut s’attacher à inciter les entreprises plutôt qu’à les contraindre.” Convaincre, donc, en mettant en avant un argument choc : les entreprises gérées par des femmes sont plus performantes que les autres.

“Toutes les études le montrent, assure Romain Bureau, senior partner chez Mercer, leader mondial du conseil en ressources humaines, les femmes ont tendance à privilégier la coopération et la collaboration par rapport au dirigisme. Et ça, dans une économie à écosystème ouvert, c’est une qualité qui devient absolument déterminante.” Une réelle diversité de profils au sein d’un comité exécutif enrichit, par ailleurs, la réflexion de multiples points de vue. “Et puis, embaucher ou promouvoir une femme à un poste de responsabilité, c’est quand même une bonne affaire, rajoute Brigitte Grésy. À compétences égales, elles mettent beaucoup plus d’énergie à investir leur poste qu’un homme, qui se sentira plus légitime. Et pourtant, un diplôme de femme a toujours moins de valeur qu’un équivalent d’homme… en raison du congé maternité ! On pourrait donc imaginer des systèmes d’accompagnement pour aider les PME à faire face à ces absences, qui sont réelles mais parfaitement légitimes et utiles à la société.” En mettant par exemple à leur disposition des remplaçant(e)s sur les fonctions exécutives le temps du congé maternité.

Reste à savoir qui s’en chargerait et comment financer un tel dispositif… Brigitte Grésy n’a pas la réponse. Mais elle a une conviction : l’heure est venue d’aider concrètement les PME sur cette question pour faire avancer la cause des femmes.