Theresa May veut changer le capitalisme anglo-saxon

Jusqu’où ira Theresa May dans sa réforme du capitalisme ?

La Première ministre britannique a fait de l’amélioration de la gouvernance des entreprises l’une de ses priorités depuis son arrivée à Downing Street en juillet. Le rejet de l’Union européenne, manifesté par les électeurs le 23 juin, est l’expression d’une colère beaucoup plus large, estime-t-elle. Beaucoup de Britanniques ont l’impression que la mondialisation  «ne fonctionne pas » pour eux. Theresa May a annoncé plusieurs pistes de réformes.

D’abord pour les conseils d’administration : ils devront accueillir des représentants des salariés et des clients.  « Trop souvent, les personnes qui sont censées demander des comptes aux grandes entreprises sont issues des mêmes cercles professionnels et sociaux étroits que l’équipe dirigeante, a critiqué la Première ministre.  Cela doit changer. » Ensuite pour les salaires des patrons. Depuis 2013, la politique de rémunération des dirigeants doit être approuvée par l’assemblée des actionnaires tous les trois ans. Mais le vote annuel sur la rémunération effective de l’équipe dirigeante n’est que consultatif. Theresa May veut qu’il devienne obligatoire.

Cette réforme pourrait changer la donne pour quelques grands groupes britanniques. Chez BP, 60 % des actionnaires ont voté contre la rémunération de 20 millions de dollars versée au directeur général Bob Dudley en avril, alors que les bénéfices du groupe pétrolier sont en chute libre et qu’il supprime des milliers d’emplois. Cela ne l’a pas empêché de toucher son chèque puisque le scrutin n’était que consultatif.

Circonspection

Le gouvernement envisage aussi de rendre obligatoire la publication de tous les objectifs que les dirigeants doivent atteindre pour toucher leurs bonus. Enfin, il pourrait aussi exiger la publication de l’écart entre les plus hauts et les plus bas salaires dans chaque entreprise.

Le monde des affaires a accueilli ces propositions avec circonspection. La CBI, équivalent du Medef, reconnaît qu’il faut apporter  « des changements », même si les abus ne concernent qu’un petit nombre d’entreprises, selon elle. L’Institute of Directors, un lobby patronal, approuve de son côté le « say on pay » des actionnaires. « La réputation des entreprises britanniques ne s’est pas relevée de la crise financière et certaines questions importantes doivent être considérées en matière de transparence, de rémunération des ­dirigeants et de composition des ­conseils d’administration », a estimé son directeur, Simon Walker.

Theresa May peut donc compter sur un certain soutien. Mais quelques-unes de ses propositions suscitent des interrogations. Comment représenter tous les salariés d’un groupe au conseil d’administration lorsqu’il est présent dans plusieurs pays ? Comment les représentants seront-ils choisis ? Le syndicat Unite demande qu’ils soient  «démocratiquement élus » et non désignés par la direction. La publication des écarts de salaire est, elle aussi, controversée. Elle pourrait montrer du doigt des secteurs comme la distribution, où les rémunérations moyennes sont très ­basses, mais où les hauts dirigeants ne sont pas forcément les mieux payés. Dans le secteur financier, au contraire, l’écart serait moins élevé.

Le gouvernement est en train de consulter sur ces projets. Les mesures précises devraient être dévoilées avant la fin de l’année.

Vincent Collen, Les Echos – Correspondant à Londres – @VincentCollen
Photo London News Pictures/Zuma-REA