Les parts variables des rémunérations sont de plus en plus assises sur des critères environnementaux ou sociaux.

 

Alors que le gouvernement est en passe de légiférer sur un vote contraignant des actionnaires sur les salaires des patrons, les variables sont scrutés de très près par les investisseurs. Au titre de 2015, un patron du CAC 40 a touché, en moyenne, un variable annuel de 1,322 millions d’euros. C’est 1,3 fois son fixe. « Si l’on en parle autant aujourd’hui, c’est bien que le variable compte de plus en plus dans la rémunération du dirigeant », commente un expert en gouvernance. Cas extrême : depuis 2012, Maurice Lévy, président du directoire de Publicis, a renoncé à tout fixe.

Ces rémunérations variables soumises à des conditions de performance connaissent souvent une évolution erratique que les investisseurs scrutent de près. Le variable de Jean-Laurent Bonnafé, chez BNP Paribas, a crû de 62 %, après avoir été amputé en 2014. A l’inverse, Martin Bouygues a renoncé en 2015 à son variable, comme en 2012 et 2013.

Dans son dernier rapport sur la gouvernance en septembre, l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui veille au grain, s’est penchée sur le lien entre variable et performance. Et elle a proposé à l’Afep et au Medef de réfléchir aux données à fournir aux actionnaires pour apprécier l’alignement avec leur intérêt.

 

Marge d’appréciation

Comment sont structurées les variables des dirigeants ? Ils dépendent de critères quantitatifs et qualitatifs, surtout financiers, assis sur des indicateurs tels que le résultat opérationnel  reflétant une performance plus directe, non liée aux éléments exceptionnels, sur la croissance organique du chiffre d’affaires, sur l’évolution du cash-flow. Parfois, le résultat net, ou part du groupe, fait partie des critères. Le comité des rémunérations se réserve une marge d’appréciation pour déterminer si les critères ont été atteints. Les plans de rémunérations pluriannuels, pour leur part, se fondent surtout sur l’évolution du cours de Bourse et des dividendes.

« Une tendance est en train d’émerger. De plus en plus, la performance du DG ne s’apprécie plus seulement sur des critères financiers, mais aussi sur des critères sociaux ou environnementaux », ajoute Laurent Nguyen, directeur chez Wills Towers Watson France. Une part du variable annuel d’Emmanuel Faber, DG de Danone, dépend d’objectifs liés à la sécurité du travail, la formation des salariés et à des paramètres environnementaux. Une part du variable de Gérard Mestrallet, président d’Engie, est liée à sa contribution à la réussite d’Isabelle Kocher, la nouvelle directrice générale.

Autre tendance émergente, l’appréciation de l’incertitude. « Cela revient à se demander comment ne pas pénaliser un dirigeant qui a subi un contexte défavorable. Ou, à l’inverse, comment ne pas survaloriser le travail d’un patron qui a profité d’un contexte porteur », commente Laurent Nguyen.

Des comparaisons avec des pairs permettent de prendre la bonne mesure. « Un facteur externe affectera tout un secteur. Cela permet de relativiser la performance du dirigeant. » Autre possibilité, élargir les plages de performance. Une manière de distribuer moins d’argent si l’environnement a été porteur, et plus à l’inverse. Enfin, les entreprises attachent de plus en plus d’importance à la préparation de l’avenir. « Car ce qui devient important, c’est la dimension temps, avec les plans de succession et la gestion des talents », affirme Laurent Nguyen.

Laurence Boisseau, Les Echos