Rémunération des patrons : l’appel du fonds norvégien

Le fonds de pension public norvégien souhaite qu’une « part significative » de la rémunération totale annuelle des dirigeants soit versée en actions bloquées cinq ou dix ans. – Photo Norges Bank

Le plus gros investisseur au monde veut aligner l’intérêt des patrons et celui des entreprises.
Il critique les actions de performance, attribuées sur des critères souvent peu pertinents.

C’est une prise de position qui va en faire trembler plus d’un. Le fonds de pension public norvégien, l’un des plus gros actionnaires au monde, a appelé les entreprises à une vaste refonte de leur mode de rémunération des dirigeants. L’idée ? Instiller de la simplicité dans les modes de calcul des salaires des patrons. Et surtout, aligner une bonne fois pour toutes l’intérêt des patrons avec celui des actionnaires.

Cette leçon de gouvernance ne peut pas laisser indifférent, dans la mesure où elle émane d’un investisseur qui détient des participations dans quelque 9.000 entreprises, représentant 1,3 % de la capitalisation mondiale. Par ailleurs, sa gestion est jugée généralement responsable en matière d’éthique et de transparence.

Dans son document de réflexion, dévoilé vendredi, le fonds pétrolier de 858 milliards d’euros édicte quatre grands principes. Premièrement, il souhaite qu’une « part significative » de la rémunération totale annuelle des patrons soit versée en actions qui seront bloquées pendant cinq ans ou, mieux, pendant dix ans, indépendamment d’une démission ou d’un départ à la retraite. Pour que le dirigeant se concentre sur la stratégie et le business, le meilleur moyen est de le rendre propriétaire, soit actionnaire de son entreprise. Deuxièmement, le fonds exhorte les conseils d’administration à fixer des règles de rémunération simples. Il souhaite que les actions dites de performance, qui s’appuient sur des critères peu lisibles et peu exigeants, disparaissent. Ces dernières font l’objet de vives critiques de sa part car, très souvent, le conseil ajuste au fil de l’eau les plans d’actions gratuites, au point que ces derniers finissent par être garantis. Le fonds regrette que ce système serve paradoxalement des intérêts de court terme au lieu de créer de la valeur.

Des sanctions envisagées

Troisièmement, le document insiste sur la transparence, avec la nécessité pour les conseils de fixer chaque année à l’avance la rémunération globale des patrons et de publier un plafond. Enfin, le fonds veut que la retraite ne constitue qu’une faible part de la rémunération et se montre peu favorable aux indemnités de départ.

Le plus gros investisseur au monde, qui place les revenus tirés du pétrole norvégien, espère entraîner dans son sillage d’autres investisseurs de poids afin d’inciter les entreprises à réformer leurs pratiques. Si certaines sociétés refusent catégoriquement d’évoluer, alors des sanctions seront possibles, admet-il. Et de fait, contrairement à un certain nombre d’investisseurs, le fonds norvégien utilise réellement le pouvoir attaché à ses droits de vote. En 2016, il a ainsi voté contre la politique de rémunération des dirigeants de Deutsche Bank, Goldman Sachs, JP Morgan ou encore SAP.

RAPHAEL BLOCH & LAURENCE BOISSEAU – Lesechos.fr  –