Auteure du premier Mooc (cours en ligne) dédié à la créativité en France, la Bordelaise Brigitte de Boucaud analyse l’apport de cette discipline dans l’entreprise et les processus qui permettent de favoriser l’innovation.
Enfant, elle rêvait d’être océanographe. Mais à l’époque, la mixité n’avait pas droit de cité. Coincée à terre, la Bordelaise Brigitte de Boucaud a pris une direction plus terre-à-terre, justement : commercial, marketing, merchandising, management, au sein notamment du groupe agroalimentaire Bongrain. Jusqu’au ras-le-bol de l’univers de la grande distribution. Brigitte de Boucaud se forme alors à l’intelligence collective, au coaching et à la créativité puis fonde son entreprise, l‘Atelier Coaching et Créativité, qui est à Bègles, aux Terres neuves, qui cherche à optimiser et accélérer le processus de changement ainsi que l’innovation dans les entreprises en passant par des processus de coaching et de créativité.
Son Mooc (plusieurs parcours à retrouver sur https://ionisx.com/ et des détails ici) fait désormais office de référence.
Quel est votre objectif ?
“Aider les entrepreneurs et les intrapreneurs à développer leurs capacités à innover en passant par la créativité. Une discipline difficile à définir et c’est précisément pour cela que j’ai fait un Mooc ! La créativité organisationnelle est structurée avec des processus clairs même si elle peut être très ludique sur la forme. De plus, alliée aux neurosciences et au coaching, elle permet de donner aux dirigeants des repères, en développant l’autonomie et la flexibilité mentale qui permettent d’agir avec l’ouverture et le discernement nécessaire, dans le monde d’aujourd’hui.”
Plus concrètement ?
“Ces processus aident à s’adapter au changement, à mieux réagir dans une situation inattendue, à optimiser les processus d’innovation. La pensée créative oblige à emprunter un autre chemin pour résoudre des problèmes ou pour trouver des solutions, et donc elle apprend à se repérer dans l’incertitude et l’imprévisibilité actuelles. Les adultes ont oublié d’utiliser ces ressources qu’ils avaient enfant, il faut donc les reconnecter.
J’utilise différents médias (les 5 sens, jeux de rôle, jeux de construction, le corps, la relation, la pensée..), différents univers (l’art, la science, la science-fiction…) et je m’appuie sur la recherche (sciences humaines, management, design, neurosciences…) pour développer les compétences de mes clients au plus près des découvertes actuelles.”
“Créer des connexions qui n’existaient pas”
Comprenez-vous les réticences de certains chefs d’entreprise très attachés au rationnel ?
“Tout à fait. Et pourtant toutes les grosses boîtes, avec des cultures rationnelles très fortes, y sont venues ou y viennent. A titre d’exemple, le CEA est le 1er laboratoire de R&D à avoir intégré des sciences molles dans son approche de l’innovation. Les évolutions des neurosciences prouvent qu’il est possible de limiter les biais cognitifs qui empêchent de bien identifier les problématiques et de prendre les bonnes décisions. C’est justement ce que permet la créativité.
Je rencontre bien sûr des chefs d’entreprise dubitatifs mais je m’adapte. Je ne vais a priori pas proposer de techniques de rêve éveillé dirigé à un ingénieur par exemple, de la même manière qu’on ne demande pas à quelqu’un de faire un grand écart s’il n’en a jamais fait. Comme le sport, ça s’apprend et l’entrainement est primordial.”
Qui doit s’entrainer ? Le dirigeant ou toute l’entreprise ?
“Cela dépend du résultat souhaité. Former une seule équipe ne marchera pas, il faut travailler à tous les niveaux (humain, stratégique et organisationnel) pour que la « fusée décolle » sinon les freins aux changements profonds resteront trop nombreux.
La créativité rejoint l’intelligence collective car elle est boostée par le collectif. Ayons bien en tête que 75 % du temps consacré à des réunions en entreprise est inefficace. Elle rejoint également le bien-être au travail. Les relations en entreprise peuvent causer de la souffrance, du stress. La créativité pousse à sortir des silos, à créer des connexions qui n’existaient pas entre les individus. Elle rend les gens moins passifs et plus acteurs. Ils vont essayer de trouver des solutions eux aussi, et ne plus se reposer sur le top management. J’aime bien cette idée du « corporate hacking » mis en valeur au sein des Hacktivateurs où chaque salarié cherche à réinventer des solutions en pratiquant la « résistance créative et bienveillante ». Aussi intelligent soit-il, un chef d’entreprise ne peut pas résoudre tous les problèmes tout seul. »
Quels sont les thèmes abordés par votre Mooc ?
“J’y explique que la créativité est étudiée depuis 150 ans et qu’elle n’est donc pas sortie d’un chapeau. Même s’il n’y a pas d’écoles de la créativité alors qu’il en existe pour le coaching, le design… J’y donne des pistes pour apprendre à manager sa créativité, j’explique des processus et des outils, et j’y ai ajouté des interviews de professionnels qui ont intégré ces questions. J’ai choisi des entreprises hors de la pub, du marketing ou du design comme Renault, le CEA, Snecma Safran ou la Française des jeux en m’attachant à montrer des applications concrètes et qui sortent des sentiers battus. Ce Mooc, allié à une démarche concrète sur le terrain, est un formidable booster pour adapter la culture d’une entreprise aux évolutions digitales et sociétales actuelles.”
Par Mikaël Lozano, le 18 juillet 2016