Le carnet de note du Conseil d’Administration By Remy MAHOUDEAUX

Le 31 janvier, l’ADAE[1] organisait un petit-déjeuner de formation autour de la problématique de l’évaluation des Conseil d’Administration. Jacques Giraud animait cette session et le débat fut animé et pertinent. Il n’est pas question d’en faire ici un résumé, d’autant qu’un fascicule[2] de restitution d’un groupe de travail de l’ADAE a été édité sur le sujet, mais plutôt de laisser vagabonder quelques idées sur ce thème.

En introduction, il était acté de l’unicité de chaque entreprise. Dès lors, figer une méthode qui ne serait pas adaptable à chaque contexte serait une impasse. La grille d’analyse proposée semble cependant une bonne trame de départ, pertinente, complète et robuste, pour initier une démarche d’évaluation du Conseil d’Administration.

Il existe des Présidents qui asservissent le Conseil d’Administration en cantonnant son rôle à celui d’une chambre d’enregistrement. C’est un dévoiement, certes, mais la loi française consacre peu ou prou l’omnipotence du Président. Notre paradoxe : nous sommes la nation qui a envoyé son roi à l’échafaud, et nous n’avons de cesse d’introniser des satrapes politiques ou économiques qui sont autant de roitelets parfois rêvant d’absolutisme. Ces conseils présidés par ces autocrates ont-il vocation à s’évaluer ? En général, c’est superflu : l’omniprésident fait tout et le fait bien, point n’est besoin d’en parler trop, c’est une évidence, fin de l’évaluation.

Il était évoqué lors que noter un conseil est différend de noter ses administrateurs. C’est vrai, la démarche est différente, mais à y bien réfléchir, est-il possible de faire l’un sans l’autre ? L’assiduité au Conseil d’Administration, par exemple, ne peut être appréciée sans jauger chaque administrateur individuellement. La complétude du spectre des compétences ne s’analyse qu’en regardant celles des individus.

Un problème de légitimité peut se poser : C’est celui qui mandate qui devrait contrôler et sanctionner – en bien comme en mal. Mais un actionnariat peut-être trop dilué pour donner substance et corps à ce genre de démarche ou de décision. L’auto-évaluation structurée reste donc la meilleure méthode. Pourtant, des actionnaires activistes se risquent parfois à mettre en cause le Conseil d’Administration et les dirigeants. Ils n’ont cependant pas l’information suffisante pour mener à bien leur démarche. En cas d’échec, ils se résolvent parfois au « Wall Street Walk », ou se drapent dans la dignité du minoritaire incompris et brimé. Même s’il est évident qu’il cela ne saurait être suffisant, la qualité du Conseil d’Administration favorise la rétention des investisseurs.

Autre indicateur générique qui mériterait d’être considéré : la rétention des dirigeants. Le Conseil d’Administration choisit les dirigeants, évalue leur travail, les rémunère et, parfois, les vire. Un Conseil d’Administration qui constaterait une trop rapide rotation des dirigeants doit se poser des questions, quitte à se remettre en cause si besoin est.

Ces deux derniers paragraphes nous parlent du temps long, nous proposent de faire abstraction du bruit du quotidien qui pollue les dirigeants et, par transitivité, les entreprises. C’est contraire à l’esprit de l’époque où fast close, speed dating et high frequency trading voudraient nous faire croire que même le futur proche est déjà dépassé.,C’est bien sûr une nécessaire valeur ajoutée d’un administrateur indépendant que de permettre au dirigeant de lever sa tête du guidon pour voir le seul objectif qui compte vraiment : la pérennité de son entreprise.

Le choix oui / non qui est proposé aux actionnaires quant à la nomination ou au renouvellement d’un administrateur reste frustrant. Certes, pour les représentants des blocs de contrôles, les pactes anticipent et règlent ces problèmes, mais pour les administrateurs indépendants, le choix entre 2 personnes différentes devrait être la norme : cela permettrait d’exercer un réel choix, et, dans le cas d’un administrateur qui souhaiterait voir renouvelé son  mandat, de l’évincer s’il n’a pas donné satisfaction.

 

Rémy MAHOUDEAUX

Managing Director, RemSyx
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[1]    L’ADAE (Association des Dirigeants et Administrateurs d’Entreprise) que préside Daniel Corfmat a pour objectif de promouvoir la gouvernance au sein des PME depuis 1996 avec 4 axes d’actions principaux :
(i) Informer les parties prenantes ;
(ii) Former ses membres (1ère formation d’administrateur qualifiés indépendants en entreprise en France AQI®);(iii) Réfléchir sur la doctrine et établir/proposer des « softlaws » ;
(iv) Diffuser ses travaux.
Si vous souhaitez plus d’information : http://www.adae.asso.fr
[2]    LE CONSEIL D’ADMINISTRATION DES PME – Gouvernance et évaluation – collection Gouvernance e& entreprise, édité chez l’Harmattan en avril 2016 – ISBN : 978-2-343-08772-6