Gouvernance et RSE – Alexis Sailly

Une conférence dédiée à « Gouvernance & RSE »

A l’occasion d’une conférence organisée le 23 novembre 2017, l’ADAE a décidé d’aborder le thème « Gouvernance & RSE ».

La RSE se définit comme la façon dont les entreprises intègrent les préoccupations économiques, sociales et environnementales à leurs valeurs, à leurs prises de décisions, et in fine à leurs stratégies, pour créer de la richesse et accroître leurs performances.

Pour les entreprises, l’enjeu est de déterminer quelle doit être la portée de leurs démarches RSE. Ce raisonnement implique de multiples interrogations. Dans quelle mesure les parties prenantes interviennent-elles dans la stratégie de l’entreprise ? La RSE doit-elle influencer le dirigeant sur sa façon de piloter son organisation ? Une nouvelle gouvernance est-elle nécessaire ?

 

Les échanges

La RSE s’inscrit au cœur de nombreuses entreprises. Christine BARGAIN, Directrice RSE du Groupe La Poste, explique que la RSE s’est progressivement ancrée au sein de son organisation. Désormais, elle constitue un pilier important de la « stratégie 2020 » du groupe, particulièrement au sujet de la cohésion territoriale.

Gérard SCHOUN, Directeur Général de DESTINATION 26000 observe que si l’engagement sociétal des entreprises est un sujet d’actualité, ce dernier n’est en réalité pas nouveau. Historiquement, la RSE est apparue lors du passage des corporations aux libres entreprises. Selon Gérard SCHOUN, « de nombreux individus se sont questionnés sur la légitimité des dirigeants à décider en pleine autonomie ». De fait, la thématique de la gouvernance et du rôle des parties prenantes est ancienne.

Il n’en reste pas moins que la perception de la RSE a considérablement évolué. Gérard SCHOUN illustre cette tendance avec les éléments suivants :

  • En 1970, Milton FRIEDMAN publiait un article dans le New York Times relatif à la responsabilité sociale des entreprises. L’économiste y soutenait que la RSE était une idée profondément anti-libérale, dénuée de sens ; la seule responsabilité d’une entreprise étant de maximiser ses profits.
  • Entre les années 1980 et 1990, de nombreux actionnaires jugeaient les dirigeants peu scrupuleux. Face à ce constat, s’est développée la théorie de la gouvernance disciplinaire dont l’objectif était de « s’assurer que les intérêts des dirigeants soient alignés avec ceux des actionnaires ».
  • Au début des années 2000, la notion de RSE émerge, particulièrement sous l’influence des médias et des ONG. En France, le législateur adopte la loi relative aux nouvelles régulations économiques dite « NRE » et formule une obligation de reporting RSE (article 116).
  • En 2011, Michael PORTER et Mark KRAMER plaident pour l’essor du concept de shared value. Ils encouragent notamment les entreprises à créer de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes, et non plus uniquement pour les actionnaires.

Dans cette perspective, Christine BARGAIN affirme qu’une entreprise qui ne se préoccupe pas de sa responsabilité sociétale engage sa pérennité. Par exemple, en tant que logisticien du dernier kilomètre, La Poste doit impérativement considérer les phénomènes de pollution et appliquer la réglementation en vigueur. Sur le plan social de la RSE, Gérard SCHOUN remarque que les organisations doivent inévitablement s’engager à défendre la diversité, sujet sensible au sein de l’opinion publique, aujourd’hui plus qu’hier réactive.

L’influence des pouvoirs publics et de la société appelle à s’interroger sur le rôle des parties prenantes. Selon Jean- François SIMON, Président d’Hydroquest, ces dernières orientent fortement la gouvernance des entreprises. Pour cela, « les entreprises doivent être agiles et s’adapter à la réalité du marché ». Il explique par exemple qu’Hydroquest a conçu des solutions pour répondre aux exigences RSE du groupe EDF.

Gérard SCHOUN souligne que le secteur de l’énergie est particulièrement révélateur. A travers le cas d’EDF, il démontre le cercle vertueux généré par les parties prenantes sur la stratégie d’une entreprise.

Christine BARGAIN partage cette position, affirmant que les parties prenantes interviennent dans les évolutions stratégiques du Groupe La Poste. Ainsi, trois parties sont toujours consultées : les clients, les élus et les salariés, via différents mécanismes, tels que des baromètres. Les parties prenantes sont par la suite informées des arbitrages réalisés.

Elle ajoute que les relations avec les ONG constituent une question permanente pour son entité :
« certaines ONG ne souhaitent pas contribuer aux stratégies des entreprises, comme Green Peace, d’autres si, comme WWF. Le Groupe La Poste entretient des rapports contractuels avec ces dernières ».

Gérard SCHOUN estime que la relation des entreprises avec leurs parties prenantes est intimement liée à la gestion des risques. Selon lui, le reporting est l’occasion pour les entreprises d’évoquer les véritables problématiques auxquelles elles sont confrontées et de présenter les actions effectivement mises en œuvre pour les réduire. Gérard SCHOUN précise à cet égard que la tendance est à la déclaration de performance non financière, fondée sur l’analyse des risques matériels du business model de l’organisation. Or, cette dernière implique des rapports étroits avec les parties prenantes pour identifier l’ensemble des points de douleur. Les pouvoirs publics participent d’ailleurs activement au renforcement de ce dialogue (devoir de vigilance, loi Sapin 2, loi handicap, etc.).

Néanmoins, les intervenants s’accordent à dire que la RSE ne peut se résumer à une réduction des risques : elle est également vectrice d’opportunités. Le Groupe La Poste, leader de l’éco-conduite illustre avec pertinence ce constat. En effet, fort de son expérience en la matière (réduction du nombre d’accidents, économies d’énergie, etc.), le groupe peut désormais vendre ses solutions.

Pour conclure, Gérard SCHOUN rappelle l’étude menée par Mickaël BARNETT et Robert M. SALOMON. Fondée sur l’analyse de l’activité 1 200 entreprises américaines entre 1998 et 2006, cette étude démontre que, pour être rentable, la RSE doit totalement être intégrée dans la stratégie de l’entreprise – les demi-mesures ne présentant aucun intérêt (financier) pour l’organisation. L’intégration de la RSE produit la courbe de performances financières en U.

A l’appui de cette courbe Gérard SCHOUN explique que :

  • Les entreprises qui présentent de faibles résultats en matière de performance sociétale réalisent de bonnes performances financières (partie gauche du U).
  • Les entreprises qui s’engagent dans une démarche RSE structurée, aboutie, fondée sur de réelles engagements vis-à-vis de leur parties prenantes réalisent de meilleurs résultats financiers que celles qui ne sont pas engagées (partie droite du U).
  • Les entreprises qui s’engagent partiellement ne tirent aucun bénéfice et voient leur performance financière se dégrader (position intermédiaire, dans le creux du U).

 

Alexis SAILLY

Chargé de développement RSE – Médiapost