La gouvernance et la RSE – Remy Mahoudeaux

Pour nous parler de l’impact de la RSE sur la gouvernance de l’entreprise, L’ADAE (1) invitait le 23 novembre Christine BARGAIN, Directrice RSE du Groupe LA POSTE, Jean- François SIMON, Président de HYDROQUEST et Gérard SCHOUN, CEO de DESTINATION26000 à débattre sous la houlette de Daniel CORFMAT. Responsabilité Sociétale et Environnementale : que des gros mots ! Bien sûr, fût évoquée de façon très littéraire  la possibilité d’un leurre, d’une mode sans grand effet : «  Il faut que tout change pour que rien ne change » (G. T. di Lampedusa, Le Guépard). Il y a sans doute en la matière des adeptes du window-dressing, ce camouflage / maquillage par ceux pour qui l’apparence seule compte et la substance beaucoup moins, quelques papiers du paradis nous l’ont rappelé. Et d’autres qui perçoivent dans la RSE une approche plus complexe mais plus pertinente des décisions et des actions des entreprises. Voici pêle-mêle quelques idées échangées et des réflexions personnelles.

Peut-être que cela ne se voit pas, ou pas encore assez, mais Milton Friedman a sans doute perdu contre Michael Porter. Certes, il fallait sans doute ré-aligner les intérêts des actionnaires et des dirigeants devenus trop divergents, mais la responsabilité des entreprises devrait s’exercer envers TOUTES ses parties prenantes et non pas ces seuls privilégiés.

Décarboner l’énergie est a priori une bonne chose, mais c’est peut-être aussi un arbre qui cache la forêt : à quoi sert de promouvoir des transports usant d’une énergie moins polluante si l’obsolescence programmée du grille pain oblige un  renouvellement plus fréquent et les délocalisations en chaîne à des approvisionnements chaque fois plus lointains ? La meilleure énergie reste celle que l’on ne consomme pas. Comparer des pollutions de nature différente comme le CO2 et le nucléaire relève en outre de la gageure.

La modestie est de mise. Tout d’abord, une démarche RSE pertinente et efficace ne se substitue pas la stratégie d’une entreprise, ce n’est pas son rôle. Ensuite, il faut, lorsque l’on entame une démarche RSE, prendre les problèmes un à un, commencer par défaire le sac de nœuds en en choisissant un au hasard. Encourager l’éco-conduite chez le logisticien du dernier kilomètre qu’est la Poste ne change pas la face du monde et pourrait sembler peu pertinent ou rentable dans un monde où il faudrait aller vite, et pourtant, la réduction du risque d’accident tant pour le salarié que pour les autres usagers de la route et une moindre pollution à nombre de kilomètres équivalent sont des bénéfices sociétaux et environnementaux évidents. C’est en empilant ces actions de portée limitée que le changements adviennent, parce que toutes les décisions sont passées au crible de leur impact.

Question pertinente et passionnante qui ne fût évoquée que trop rapidement : la place du fait religieux dans l’entreprise. Dans une entreprise mixte ayant aussi à rendre des services publics comme la Poste, le sujet n’est pas simple : comment exiger d’une personne qu’elle dévoile son visage pour contrôler effectivement son identité et lui remettre son paquet ?

La responsabilité devient peu ou prou un mistigri dont tous veulent se défaire dans nos sociétés. Les individus tentent de les fuir, les assurés et les assureurs jouent parfois à cache-cache avec, les entreprises bardées de juristes tentent de les fourguer à toutes les contreparties possibles et imaginables, ou d’en limiter la portée. Et pourtant, si l’ADN d’une entreprise est la prise d’un risque sur un couple (produit ; marché), cette exposition induit une chaîne de responsabilité qui lie associés – entreprise – dirigeant et des parties prenantes. L’intérêt de la RSE est de faire apparaître ces parties prenantes actuelles (avec le Sociétal) et futures (avec l’environnemental). Il va de soit qu’un administrateur indépendant formé, à l’éthique irréprochable et qui n’est pas submergé par les problèmes du quotidien de l’entreprise peut être un atout dans cette démarche.

Il ne me reste plus qu’à remercier l’ADAE pour la pertinence de ces échanges et la convivialité de son accueil. Comme d’habitude.

Rémy Mahoudeaux – Membre de l’ADAE

(1) L’ADAE (Association des Dirigeants et Administrateurs d’Entreprise) que préside Daniel Corfmat a pour objectif de promouvoir la gouvernance au sein des PME depuis 1996 avec 4 axes d’actions principaux :
(i) Informer les parties prenantes ;
(ii) Former ses membres (1ère formation d’administrateur qualifiés indépendants en entreprise en France AQI®);

(iii) Réfléchir sur la doctrine et établir/proposer des « softlaws » ;
(iv) Diffuser ses travaux.
Si vous souhaitez plus d’information : http://www.adae.asso.fr